Contexte
Depuis le 16 décembre 2011, c’est en vertu de la loi constitutionnelle n° 6-2011 portant sur l’organisation provisoire des pouvoirs publics que la Tunisie est gouvernée. Cette phase transitoire, qu’instaure la loi, devait durer une année jusqu’à la promulgation de la nouvelle Constitution. Mais, celle-ci n’est toujours pas prête et la “petite Constitution”, en empruntant l’expression de Marcel Prélot (1), semble encore avoir de l’avenir. Or, contrairement à d’autres époques et à d’autres pays, dont le contexte a pu tolérer un prolongement de la phase transitoire, voire sa normalisation (IIIe Rép. 1875, RFA 1949, etc.), les tensions en Tunisie n’ont cessé de s’aggraver durant cette phase dite transitoire. Ces tensions ont atteint leur paroxysme avec l’assassinat de Chokri Belaïd, avocat et homme politique tunisien. Assassinat qui a, par ailleurs, accéléré le désagrégement de l’actuel (10 février 2013) Gouvernement Jébali.
Comme dans toute démocratie parlementaire, le mécanisme qui permet le désamorçage des crises politiques, en l’occurrence la dissolution de l’assemblée et le recours à l’arbitrage du peuple, n’est, en Tunisie, ni possible juridiquement, ni -à court terme- envisageable institutionnellement du fait du vide laissé par le démantèlement de l’instance indépendante chargée de l’organisation des élections (qui n’a toujours pas été remplacée). Par conséquent, au moins, jusqu’à la fin de l’année 2013, la Tunisie continuera à être gouvernée selon les dispositions de la loi constitutionnelle n°6-2011.
Les services du JORT n’ont, à ce jour, publié aucune traduction officielle de cette “petite Constitution”. Aussi, nous en proposons celle-ci qui a été effectuée dans le cadre d’un plus large projet qui sera incessamment publié sur Nawaat.org. D’autres traductions non officielles de cette loi existent, mais n’ayant pas partagé certains choix d’expression, nous avons préféré en proposer une autre, dont voici au préalable les quelques observations qui la précèdent.
Quelques observations à propos de cette traduction
1.- Parce que les imperfections d’un texte juridique portent en elles également des informations quant aux conditions de son élaboration, nous avons choisi de demeurer le plus proche possible de la version arabe, y compris dans sa syntaxe. Ceci jusqu’à reproduire les pléonasmes du style “à la majorité absolue au moins“. Cependant, dans quelques rares cas qui rendaient la lecture particulièrement pénible, nous avons opté pour une syntaxe moins “dérangeante” à la lecture, sans altérer ni le sens ni la portée du texte.
2.- Dans la version arabe, l’expression littérale “président du Gouvernement” a été traduite par celle de “chef du Gouvernement” qui nous paraît plus conforme à la terminologie consacrée en langue française.
3.- Les équivalents arabes des verbes “promulguer” et “voter/adopter/approuver” peuvent parfois prêter à confusion. À l’égard de ces nuances, nous avons opté pour l’équivalent français le plus approprié selon le contexte. À titre d’exemple, le verbe “yosdiro” est traduit par le verbe “adopter” dans l’article 22-al.2, alors que le même verbe “yosdiro” est également utilisé dans le sens de “promulguer”, notamment par le JORT qui reprend systématiquement la terminologie d’usage, à savoir “Le président de la République promulgue (yosdiro)…” Ainsi, l’Assemblée nationale constituante “vote/adopte/approuve” les lois, mais c’est le président de la République qui les promulgue conformément à l’article 11-2e alinéa.
4.- À noter que les auteurs de la loi constitutionnelle n° 6-2011 ont fini par succomber, à leur tour, à cette détestable manie qui consiste à rendre nébuleux pour l’opinion publique la provenance de certains actes. Pourquoi avoir substitué le terme “arrêté présidentiel” qui avait le mérité de la clarté quant à sa source, par une autre aussi absconse que l’est l’expression “arrêté républicain”, plutôt d’usage chez l’ex-dictateur Yéménite A. Salah ou chez H. Moubarak ? Est-ce pour faire table rase du passé bénaliste qui usait et abusait des décrets présidentiels ? Pourtant, les traditions constitutionnelles tunisiennes ne sont pas nées avec Ben Ali, mais remontent à plus de 150 ans. Désormais, les Tunisiens vont devoir s’habituer à cette “chose” qu’est l’expression “arrêté républicain” et que le dernier alinéa de l’article 11 décrit comme étant l'”acte promulgué par le président de la République”. En somme, c’est l’art de rendre inutilement opaque pour le profane, ce qui était limpide dans la tradition tunisienne.
5.- Dans le même sens, signalons la surenchère terminologique dans le préambule où la constituante s’attribue la qualité d'”autorité légitime originaire – السلطة الشرعية الأصلية”. Une qualité qui semble aspirer à être un cran au-dessus de ce que les constitutionnalistes qualifient communément de “pouvoir constituant originaire“. À la question : “qui détient le pouvoir constituant originaire ?” ; désormais, la réponse tunisienne est : “l’autorité légitime originaire, pardi !” À ce jeu dans la surenchère terminologique, le peuple, lui, devrait être alors “l’autorité légitime originellement originaire” !
Il est vrai que les révolutions permettent tous les excès, la tunisienne d’entre elles a eu au moins le mérite de ne pas avoir tranché des têtes ; mais, compte, déjà, deux assassinats politiques.
Riadh Guerfali @astrubaal (Nawaat.org)
Docteur en droit public.
(1) – À propos des “petites Constitutions”, cf. la pertinente contribution d’ :
Emmanuel Cartier : “Les petites Constitutions : contribution à l’analyse du droit constitutionnel transitoire.” In Revue française de droit constitutionnel, n° 71/2007, p. 513-534, Paris, P.U.F.
Note : La traduction et les observations qui la précèdent sont sous licence Creative Commons “CC BY-ND 3.0 FR”.
Loi constitutionnelle n° 6-2011 du 16 décembre 2011,
relative à l’organisation provisoire des pouvoirs publics.
J. O. R. T. n° 97 du 20 et 23 décembre 2011,
p. 3 111 à 3 115 (version arabe)
Traduction par Riadh Guerfali (Nawaat.org)
Sur ce lien pour télécharger la version PDF
[Préambule]
Louanges à Dieu,
Nous, les membres de l’Assemblée constituante élus le 23 octobre 2011 :
– Afin de concrétiser les principes de la glorieuse révolution et réaliser ses objectifs ;
– Afin de demeurer fidèles aux martyrs et aux sacrifices des générations successives de Tunisiens ;
– Afin de réussir le processus constituant démocratique et garantir les libertés et les droits de l’Homme ;
– Vu la décision de l’Assemblée nationale constituante du 25 juillet 1957 ;
– Vu le décret-loi n° 14-2011 du 23 mars 2011 relatif à l’organisation provisoire des pouvoirs publics ;
Considérant que l’Assemblée nationale constituante incarne l’autorité légitime originaire ; qu’elle est mandatée par le peuple pour élaborer une Constitution qui réalise les objectifs de la révolution tunisienne et assure la gestion des affaires de l’État jusqu’au terme de la promulgation de la nouvelle Constitution et l’instauration d’institutions pérennes ;
Nous promulguons, au nom du peuple tunisien, la loi constitutionnelle relative à l’organisation provisoire des pouvoirs publics.
Article premier.- Les pouvoirs publics de la République tunisienne sont provisoirement organisés conformément à la présente loi et jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle Constitution et l’instauration d’institutions pérennes.
Titre premier
Les attributions de l’Assemblée nationale constituante
Article 2.- L’Assemblée nationale constituante se charge principalement d’élaborer la Constitution de la République tunisienne. En outre, l’Assemblée exerce, notamment, les attributions suivantes :
1.- l’exercice du pouvoir législatif ;
2.- l’élection du président de l’Assemblée nationale constituante ;
3.- l’élection du président de la République ;
4.- le contrôle de l’activité gouvernementale.
Titre II
Le pouvoir constituant
Article 3.- L’Assemblée nationale constituante vote les dispositions du projet de la Constitution article par article, à la majorité absolue de ses membres. L’intégralité du projet de la Constitution est ensuite approuvée, en bloc, à la majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée. Si la majorité des deux tiers n’est pas atteinte, le projet est approuvé à la majorité lors d’une deuxième lecture dans un délai n’excédant pas un mois. Si le désaccord persiste, le projet de la Constitution est soumis au référendum pour être adopté à la majorité des votants.
Titre III
Le pouvoir législatif
Article 4.- L’Assemblée nationale constituante exerce le pouvoir législatif conformément aux dispositions de la présente loi.
Le Gouvernement et dix membres, au moins, de l’Assemblée nationale constituante disposent du droit de proposer des projets de loi. L’Assemblée nationale constituante adopte les lois organiques à la majorité absolue de ses membres.
Les lois ordinaires sont adoptées à la majorité des membres présents, à condition que les votes d’approbation ne soient pas inférieurs au tiers des membres de l’Assemblée nationale constituante.
Article 5.- L’Assemblée nationale constituante peut démettre son président avec l’aval de la majorité absolue au moins de ses membres, et ce, à l’initiative d’un tiers des membres de l’Assemblée ayant déposé une demande motivée à cet effet auprès du bureau de l’Assemblée.
Le cas échéant, l’Assemblée nationale constituante, sous la présidence de son premier vice-président, élit un nouveau président dans le délai d’une semaine conformément aux dispositions de l’article 12 de la présente loi. La présidence intérimaire est exercée par le premier vice-président de l’Assemblée jusqu’à l’élection du nouveau président.
Article 6.- Sont pris sous forme de lois organiques les textes relatifs à :
– la ratification des traités ;
– l’organisation de la justice ;
– l’organisation de l’information, de la presse et de l’édition ;
– l’organisation des partis politiques ainsi que leur mode de financement, des associations, des organisations non gouvernementales et des organismes professionnels ;
– l’organisation des forces armées nationales à l’exception des régimes particuliers relevant d’arrêtés républicains ;
– l’organisation des forces de sécurité intérieure à l’exception des régimes particuliers régis par décret ;
– le système électoral ;
– les libertés, les droits de l’Homme, le droit du travail et le droit syndical ;
– l’état des personnes.
Sont pris sous forme de lois ordinaires les textes portant sur :
– les modalités générales d’application de la loi constitutionnelle portant sur l’organisation des pouvoirs publics, à l’exception de ce qui relève des lois organiques.
– la nationalité et les obligations ;
– la procédure auprès des différents ordres de juridiction ;
– la définition des crimes et délits et des peines qui leur sont applicables, ainsi que des contraventions pénales sanctionnées par une peine privative de liberté ;
– l’amnistie législative ;
– la définition du taux et de l’assiette de l’impôt ainsi que les procédures de son recouvrement, sauf délégation accordée au chef du Gouvernement en vertu des lois de finances et des lois fiscales ;
– le régime de l’émission de la monnaie ;
– les emprunts et les engagements financiers de l’État ;
– les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils.
La loi détermine les principes fondamentaux concernant :
– le régime de la propriété et des droits réels ;
– l’enseignement, la recherche scientifique et la Culture ;
– la santé publique ;
– le droit du travail et de la sécurité sociale ;
– la maîtrise de l’énergie ;
– l’environnement et l’aménagement urbain.
Les textes concernant les autres domaines relèvent du pouvoir réglementaire général du chef du Gouvernement qui l’exerce par voie décrétale.
Article 7.- En cas de circonstances exceptionnelles entravant le fonctionnement normal des pouvoirs publics ainsi que l’activité de l’Assemblée nationale constituante, cette dernière constate, à la majorité de ses membres, lesdites circonstances. Elle délègue alors toutes ou partie de ses attributions législatives au président de l’Assemblée nationale constituante, au président de la République et au chef du Gouvernement.
Les trois exercent les prérogatives qui leur ont été déléguées par consensus et via des décrets-lois.
À l’initiative de son président ou du tiers de ses membres, l’Assemblée se réunit quand cela devient possible, pour déclarer, à la majorité de ses membres, la fin de la délégation. Dès lors, l’Assemblée examine les décrets-lois promulgués pour les ratifier, les amender ou les abroger.
Article 8.- Aucun membre de l’Assemblée nationale constituante ne peut être poursuivi, arrêté ou jugé pour des opinions ou des propositions qu’il formule, ainsi que pour tout acte accompli dans l’exercice de son mandat.
De même, aucun membre ne peut être poursuivi ou arrêté durant son mandat pour crime ou délit sans la levée de son immunité par l’Assemblée. En cas d’arrestation en flagrant délit, l’Assemblée en est informée immédiatement. La détention est suspendue si l’Assemblée le requiert.
Titre IV
Le pouvoir exécutif
Chapitre premier.— Le président de la République
Article 9.- Pour être éligible à la présidence de la République, le candidat ou la candidate doit être exclusivement Tunisien, musulman, né(e) de mère et de père Tunisiens ayant atteint l’âge de 35 ans.
Le président de la République, dès son élection, démissionne de toute responsabilité partisane ainsi que de son mandat à l’Assemblée nationale constituante si tel est le cas. Il prête le serment suivant :
“Je jure par Dieu tout puissant de veiller à l’indépendance de la nation, à la sauvegarde de l’intégrité de son territoire et de son régime républicain ; de respecter la loi constitutionnelle relative à l’organisation provisoire des pouvoirs publics ; d’œuvrer à la protection des intérêts de la nation ; à garantir l’émergence d’un État de droit et des institutions, et ce, pour demeurer fidèle à la mémoire des martyrs ainsi qu’aux sacrifices des différentes générations de Tunisiens et concrétiser les objectifs de la révolution.”
Article 10.- Dès l’adoption de la présente loi, l’Assemblée nationale constituante élit le président de la République au scrutin secret à la majorité absolue de ses membres parmi des candidats parrainés, chacun, par au moins 15 membres de l’Assemblée.
Chaque membre de l’Assemblée nationale constituante ne peut parrainer qu’un seul candidat.
Si, aucun, parmi les candidats n’atteint la majorité absolue lors du premier tour du scrutin, un second tour, soumis au vote majoritaire, est organisé entre les deux candidats ayant obtenu le plus de voix. Si les deux candidats obtiennent le même nombre de voix, le plus âgé l’emporte.
Article 11.- Sont conférées au président de la République les prérogatives suivantes :
1.- Il représente l’État tunisien et, avec le chef du Gouvernement, ils se concertent pour déterminer, par consensus, la politique étrangère de l’État.
2.- Il signe et publie [promulgue] les lois votées par l’Assemblée nationale constituante, au plus tard 15 jours après leur dépôt auprès des services de la présidence de la République. À défaut de sa signature et de la publication dans le délai indiqué, le projet retourne, pour une seconde lecture, devant l’Assemblée pour être adopté dans les mêmes termes. Le cas échéant, le président de l’Assemblée nationale constituante se charge de la signature du texte.
3.- Il nomme le chef du Gouvernement conformément aux dispositions de l’article 15 de la présente loi. Les membres du Gouvernement prêtent serment devant le président de la République.
4.- Il nomme le mufti de la République avec l’accord du chef du Gouvernement.
5.- Il assure le haut commandement des forces armées.
6.- Il déclare la guerre et conclut la paix avec l’approbation des deux tiers des membres de l’Assemblée nationale constituante.
7.- En cas de circonstances entravant le fonctionnement normal des pouvoirs publics, il annonce les mesures et les modalités exceptionnelles après avis conforme du chef du Gouvernement et du président de l’Assemblée nationale constituante.
8.- Il signe les traités ratifiés par l’Assemblée nationale constituante, au plus tard 15 jours après leurs dépôts auprès des services de la présidence de la République. À défaut de sa signature dans le délai indiqué, le traité retourne, pour une seconde lecture, devant l’Assemblée pour être adopté conformément aux dispositions du troisième alinéa de l’article 4 de la présente loi. Le cas échéant, le président de l’Assemblée nationale constituante se charge de sa signature.
9.- Il exerce le droit de grâce.
10.- Il nomme et révoque au sein des hautes fonctions militaires avec l’accord du chef du Gouvernement.
11.- Il nomme aux hautes fonctions de la présidence de la République.
12.- Il accrédite, auprès de lui, les représentants des États et des Organismes régionaux et internationaux.
13.- Il nomme, avec l’accord du chef du Gouvernement, aux hautes fonctions au sein du ministère des Affaires étrangères et des missions diplomatiques et consulaires auprès des États et organismes régionaux et internationaux.
14.- Il promulgue, par arrêté républicain, les dispositions du projet de la loi de finances par tranche trimestrielle si, au 31 décembre, la loi de finances n’a toujours pas été adoptée.
Les actes promulgués par le président de la République prennent la forme d’arrêté républicain.
Article 12.- Le siège officiel de la présidence de la République est fixé à Tunis et banlieue. Toutefois, dans les circonstances exceptionnelles, il peut être transféré provisoirement en tout autre lieu du territoire de la République.
Article 13.- Avec l’approbation de la majorité absolue de ses membres, l’Assemblée nationale constituante peut démettre de ses fonctions le président de la République, et ce, à la demande motivée à cet effet par un tiers des membres de ladite Assemblée. Cette demande est déposée auprès du président de l’Assemblée.
Le cas échéant, l’Assemblée nationale constituante élit un nouveau président de la République dans un délai de quinze jours conformément aux dispositions de l’article 10 de la présente loi. Le président de l’Assemblée exerce les fonctions de président de la République par intérim jusqu’à l’élection du nouveau président.
Article 14.- En cas d’empêchement provisoire, le président de la République peut déléguer ses pouvoirs au chef du Gouvernement pour une durée n’excédant pas trois mois.
Le président de la République informe le président de l’Assemblée nationale constituante de la délégation provisoire de ses pouvoirs.
Au cours de l’empêchement provisoire du Président de la République, le gouvernement, même s’il est l’objet d’une motion de censure, demeure en fonction jusqu’à la fin de cet empêchement.
Si la durée de l’empêchement dépasse les trois mois, tout comme en cas de vacance de la présidence de la République pour cause de décès, démission ou empêchement absolu, le président de l’Assemblée nationale constituante est immédiatement investi des fonctions de président de la République par intérim pour une période n’excédant pas les 15 jours conformément aux dispositions de l’article 10 de la présente loi.
Chapitre II.— Le Gouvernement
Article 15.- Le président de la République, après concertation, charge le candidat du parti ayant obtenu le plus grand nombre de sièges à l’Assemblée nationale constituante de former le Gouvernement.
Le chef du Gouvernement chargé, selon l’alinéa précédent, de former un Gouvernement, remet au président de la République le résultat de ses démarches dans un délai n’excédant pas quinze jours à compter de la date de sa désignation. Le dossier remis, comporte la composition du Gouvernement et un exposé concis de son programme.
Dès la réception du dossier de la composition du Gouvernement, le président de la République le transmet au président de l’Assemblée nationale constituante.
Le président de l’Assemblée nationale constituante convoque, dans un délai de trois jours à compter de la réception du dossier, une assemblée générale pour accorder, à la majorité absolue de ses membres, la confiance au Gouvernement.
En cas d’échec de la formation du Gouvernement ou si la confiance n’est pas accordée par l’Assemblée nationale constituante dans un délai de quinze jours, le président de la République, après concertation avec les partis, les coalitions et les groupes de l’Assemblée, désigne la personnalité la plus à même de former un Gouvernement selon les mêmes modalités et délais précités.
Article 16.- Si le chef du Gouvernement est membre de l’Assemblée nationale constituante, il démissionne son mandat après avoir obtenu le vote de confiance.
Hormis le chef du Gouvernement, il est permis de cumuler les fonctions gouvernementales avec celles du mandat à l’Assemblée nationale constituante. Le cas échéant, les membres du Gouvernement élus à l’Assemblée ne peuvent pas faire partie du bureau de ladite assemblée, ni être membre de ses commissions permanentes. De même, ils ne peuvent pas prendre part aux votes concernant la motion de censure, ni aux votes relatifs à l’adoption de la loi de finances.
Article 17.- Le Gouvernement exerce le pouvoir exécutif, à l’exception des attributions conférées au président de la République.
Le Gouvernement veille à l’exécution des lois. Le chef du Gouvernement signe les décrets à caractère réglementaire et individuel après délibération en Conseil des ministres. Il les promulgue après en avoir informé le président de la République.
Outre les prérogatives susmentionnées, le chef du Gouvernement dispose des attributions suivantes :
1- Il préside le Conseil des ministres.
2- Il crée, réaménage ou supprime les ministères et les secrétariats d’État ; il en détermine les attributions et le champ de compétence après délibération en Conseil des ministres et information du président de la République.
3.- Il crée et réaménage les offices et les établissements publics ainsi que les services administratifs. Il en détermine les attributions et le champ de compétence après délibération en Conseil des ministres et information du président de la République.
4.- Il contresigne les arrêtés ministériels.
5.- Il nomme aux hautes fonctions civiles après concertation avec le ministre concerné et le Conseil des ministres.
Article 18.- Le Gouvernement veille à la direction des affaires de l’État et assure le fonctionnement normal des services publics, de l’administration et de la force publique.
Conformément à la législation en vigueur, chaque ministre veille, selon son domaine de compétence, à la direction de l’administration centrale et à la supervision des offices et établissements publics, ainsi qu’à la direction de l’administration et des services régionaux et locaux, sous l’autorité du Chef du Gouvernement.
Article 19.- Le vote d’une motion de censure contre le Gouvernement ou un ministre peut avoir lieu à la demande d’un tiers, au moins, des membres de l’Assemblée nationale constituante. Cette demande motivée est déposée auprès du président de ladite Assemblée.
La motion est adoptée à la majorité absolue des membres de l’Assemblée.
Si la majorité absolue n’est pas atteinte, il ne peut y avoir de vote pour une nouvelle motion de censure contre le Gouvernement ou le ministre en question avant un délai de trois mois.
Si la motion de censure contre le gouvernement est approuvée, celui-ci est considéré comme démissionnaire. Le président de la République désigne alors la personnalité la plus à même de former un nouveau Gouvernement, lequel se présentera devant l’Assemblée nationale constituante pour obtenir sa confiance, selon les mêmes modalités et délais énoncés à l’article 15 de la présente loi.
Si le retrait de confiance est voté à l’encontre de l’un des ministres, il sera considéré comme démissionnaire. Le chef du Gouvernement présentera alors une nouvelle personnalité à l’Assemblée nationale constituante afin de requérir sa confiance, selon les mêmes modalités et délais énoncés à l’article 15 de la présente loi, applicable, du reste, aux cas de vacance.
La démission n’entre en vigueur qu’à l’issue de la prise de fonction du nouveau Gouvernement ou du nouveau ministre.
En cas de vacance au poste de chef du Gouvernement pour cause de décès ou empêchement absolu, le président de la République désigne en tant que nouveau chef du Gouvernement le candidat du parti ayant obtenu le plus grand nombre de sièges à l’Assemblée nationale constituante, conformément aux dispositions de l’article 15 de la présente loi.
Chapitre III.— Des conflits de compétence
Article 20.- Les conflits de compétence entre les attributions du président de la République et celles du chef du Gouvernement sont soulevés devant l’Assemblée nationale constituante à la demande de l’une des parties. L’Assemblée nationale constituante tranche le conflit à la majorité de ses membres après avis de l’assemblée plénière du Tribunal administratif.
Chapitre IV.— Les collectivités locales
Article 21.- Les conseils municipaux, les délégations spéciales, les conseils régionaux et les structures auxquelles la loi confère la qualité de collectivité locale exercent leurs fonctions conformément à la loi en vigueur, jusqu’à son amendement par l’Assemblée nationale constituante. En outre, le chef du Gouvernement peut, après concertation avec le président de la République, le président de l’Assemblée nationale constituante et les élus de la région à la Constituante, dissoudre les conseils ou les délégations existantes, nommer de nouvelles délégations ou proroger leurs missions, si nécessaire.
Titre V
Le pouvoir judiciaire
Article 22.- Le pouvoir judiciaire exerce ses attributions en toute indépendance.
Après concertation avec les magistrats, l’Assemblée nationale constituante vote une loi organique qui détermine la composition, les attributions et les modalités de création d’une instance représentative provisoire. Se substituant au Conseil supérieur de la magistrature, cette instance supervisera la justice judiciaire.
L’Assemblée nationale constituante vote les lois organiques qui réorganisent la justice, restructurent les Conseils supérieurs de la magistrature judiciaire, administrative et financière et fixent les bases de la réforme judiciaire conformément aux standards internationaux relatifs à l’indépendance de la justice.
Article 23. – Le Tribunal administratif et la Cour des comptes exercent leurs attributions conformément aux lois et règlements en vigueur relatifs à leurs organisations, prérogatives, domaines de compétence et procédures ayant cours auprès d’elles.
Titre VI
La justice transitionnelle
Article 24. – L’Assemblée nationale constituante vote une loi organique qui organise la justice transitionnelle et en détermine les bases et le champ d’application.
Titre VII
L’instance chargée des élections
Article 25. – L’Assemblée nationale constituante vote une loi créant une instance publique indépendante et permanente qui gère, organise et supervise les élections et les référendums. La même loi fixe la composition et l’organisation de ladite instance.
Titre VIII
Dispositions relatives à la Banque centrale de Tunisie
Article 26.- Le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie est nommé par arrêté républicain après accord entre le président de la République et le chef du Gouvernement. La nomination ne devient exécutoire qu’après sa ratification par la majorité des membres présents de l’Assemblée nationale constituante. Celle-ci se prononce, au plus tard, 15 jours à compter de la date du dépôt de la demande [de ratification] auprès du président de l’Assemblée nationale constituante.
Sur la proposition du gouverneur de la Banque centrale, le vice-gouverneur de la Banque est nommé par arrêté républicain après accord entre le président de la République, le président de l’Assemblée nationale constituante et le chef du Gouvernement.
Les membres du conseil d’administration de la Banque centrale sont nommés par arrêté républicain après accord entre le président de la République, le président de l’Assemblée nationale constituante et le chef du Gouvernement.
Le gouverneur de la Banque centrale est révoqué de ses fonctions selon les mêmes modalités -pour sa nomination- énoncées à alinéa premier du présent article ou à la demande du tiers des membres de l’Assemblée nationale constituante.
Le vice-gouverneur de la Banque centrale ainsi que les membres du conseil d’administration sont révoqués de leurs fonctions selon les mêmes modalités -pour leurs nominations- énoncées aux alinéas deux et trois du présent article.
Titre IX
Dispositions finales
Article 27.- L’Assemblée nationale constituante entérine la suspension de la Constitution du 1er juin 1959 et met un terme à son application dès la promulgation de la présente loi constitutionnelle.
Ne sont plus en vigueur ni le décret-loi n° 2011-14 du 23 mars 2011 portant organisation provisoire des pouvoirs publics, ni les lois qui sont en contradiction avec cette loi constitutionnelle. Les textes légaux qui n’entrent pas en conflit avec la présente loi constitutionnelle demeurent en vigueur.
Article 28.- La présente loi constitutionnelle entrera en vigueur immédiatement après son adoption par l’Assemblée nationale constituante.
La présente loi sera publiée au journal officiel de la République tunisienne et sera exécutée comme loi de l’État.
Carthage, le 16 décembre 2011
Le président de la République
Mohamed Moncef Marzouki
[…] Depuis le 16 décembre 2011, c'est en vertu de la loi constitutionnelle n° 6-2011 portant sur l'organisation provisoire des pouvoirs publics que la Tunisie est gouvernée. […]
[…] Depuis le 16 décembre 2011, c’est en vertu de la loi constitutionnelle n° 6-2011 portant sur l’organisation provisoire des pouvoirs publics que la Tunisie est gouvernée. Cette phase transitoire, qu’instaure la loi, devait durer une année jusqu’à la promulgation de la nouvelle Constitution. Mais, celle-ci n’est toujours pas prête et la “petite Constitution”, en empruntant l’expression de Marcel Prélot (1), semble encore avoir de l’avenir. Or, contrairement à d’autres époques et à d’autres pays, dont le contexte a pu tolérer un prolongement de la phase transitoire, voire sa normalisation (IIIe Rép. 1875, RFA 1949, etc.), les tensions en Tunisie n’ont cessé de s’aggraver durant cette phase dite transitoire. Ces tensions ont atteint leur paroxysme avec l’assassinat de Chokri Belaïd, avocat et homme politique tunisien. Assassinat qui a, par ailleurs, accéléré le désagrégement de l’actuel (10 février 2013) Gouvernement Jébali… […]
[…] article 4 de la Loi constitutionnelle n°6-2011 du 16 décembre 2011 (petite Constitution) […]
[…] http://nawaat.org/portail/2013/02/14/traduction-fr-loi-constitutionnelle-n6-2011-du-16-decembre-2011… : […]